Ville d'insécurité

Publié le par Guéning Massama

N'Djaména est devenue une "ville cruelle" : assassinats crapuleux, rackets organisées, proliférations de gangs, etc. Mais il y a aussi l'insécurité alimentaire due à un coût de vie de plus en plus élevé.

Au Tchad, le mot “ insécurité ” est un terme à usage courant. Il ne se passe pas un seul jour sans que des Tchadiens ne parlent de coupeurs de route qui dépouillent des passagers de leurs biens ou les brutalisent, de militaires en armes qui sèment la terreur, de voleurs ou d’enfants de la rue qui, de nuit ou de jour, agressent des familles, pillent leurs fortunes, etc. Des exemples sont légion, surtout en ces moments de fêtes.

Entre le marteau et l’enclume

Certains pères de familles ne savent plus où donner de la tête. Acculés chez eux par leurs enfants, ils prennent le large pour un moment de répit. Mais à leur risque et péril. L’un d’eux, dans ses escapades, s’est fait subtiliser 25 000 Fcfa qu’il aurait pu remettre à sa famille et se tenir tranquille. Le 22 décembre, sous l’effet de la pression familiale, un autre est allé s’endetter pour 40 000 Fcfa chez un usurier. A son retour, des brigands l’ont brutalisé avant de lui arracher tout le contenu de son porte-feuille.

Les bilans des fêtes de fin de Ramadan et de la Nativité confirment bien la persistance de l’insécurité à N’Djaména. On a compté 2 morts et 61 blessés. Il faut s’attendre peut-être à un bilan identique à la Saint-Sylvestre.

Ces fêtes sont des opportunités pour des voleurs qui les choisissent pour sévir. Le 24 décembre, un enseignant, habitant le quartier Walia (à l’entrée sud de N’djaména) a constaté, à son retour du culte religieux, qu’un grand trou a été fait à travers le mur arrière de sa chambre : des voleurs ont profité de l’absence de toute la famille pour “visiter” la maison et s’emparer de ses biens. A 23 heures, un fêtard termine sa virée dans une buvette de Moursal. Il en sort ivre et constate la disparition de sa moto : des inconnus l’ont emportée. L’homme en question habite Digangali, un quartier périphérique, situé entre Walia et Nguéli.

Quand les forces de l’ordre entrent dans la danse

En plusieurs endroits de N’Djaména, tard le soir, les forces de sécurité occupent des rues secondaires non éclairées pour des “contrôles de routine”. Elles en profitent aussi et surtout pour extorquer de l’argent à des propriétaires d’engins. C’est le cas ce jour de décembre 2001. A 21 heures, non loin du marché de Moursal, un groupe d’hommes en tenue qui n’avaient visiblement rien de la brigade routière, mais sous prétexte de vérifier les pièces des engins à deux roues, a prélevé de l’argent à ceux qu’il arrêtait. Quelques semaines plus tôt, un haut cadre de l’administration tchadienne qui rentrait chez lui à Habéna aux alentours de 19 heures s’est vu braqué, non loin de chez lui, par des individus qui lui ont arraché sa moto, son téléphone portable et d’autres biens.

Par ailleurs, un phénomène nouveau s’observe à N’Djaména. Il inquiète surtout les habitants des quartiers Diguel, Rue des 40 mètres et Am-Riguébé. Mais, il tend à s’étendre à d’autres quartiers également. Certaines nuits, des bandes organisées, bien armées et à bord de véhicules, tiennent au respect des nantis et pillent leurs biens. Le 19 décembre, des individus ont cambriolé le domicile d’un ministre en escaladant son mur. A cela s’ajoute le “délestage” provoqué par des inconnus qui s’acharnent sur les câbles électriques alimentant les maisons des particuliers. Un ancien ministre en a fait l’expérience. Alors qu’il travaillait tranquillement chez lui le soir, une coupure subite et prolongée survint. Il constatera par la suite que plus d’une dizaine de mètres de son câble électrique a disparu. Les détenteurs de cellulaires ne sont pas en reste. On les leur arrache sous la menace. Un jeune cadre a été victime de cet acte de brigandage après qu’on l’ait tenu au respect.

Une inflation difficile à maîtriser

Tous ces actes se développent dans un contexte socio-économique qui n’est guère reluisant. L’on ne cesse d’assister à une flambée des prix de produits de première nécessité. A en croire certaines ménagères, on dépense actuellement le triple du prix habituel d’une denrée pour pouvoir se la procurer.

Un poulet coûte dans l’ordre de 2500 Fcfa. Le coro d’oignons qui se vendait à 500 Fcfa est passé à 1500 Fcfa. Le plus bas prix d’un sac de sorgho est de 12 000 Fcfa. Un petit cabri vaut 15 000 Fcfa. Un mouton s’achète à 20 000 Fcfa. C’est la surenchère à tous les niveaux. Que ce soit du côté des commerçants qui cherchent à réaliser le maximum de profit de ces moments de fête ou de la ménagère qui tient à soustraire au mieux de l’argent à son époux.

Aujourd’hui, se soigner au Tchad n’est pas à la portée de toutes les bourses. La prise en charge des malades est devenue quasi-impossible.

Comme si cela ne suffisait pas, les trois fêtes que le hasard a réunies en ce mois de décembre viennent augmenter les soucis des responsables des ménages. Ils auront à débourser beaucoup d’argent, en dépit de la conjoncture difficile pour satisfaire leurs proches. Personne ne les croirait s’ils se soustrayaient aux exigences de ces festivités.

Un père de famille déclare avoir dépensé plus de 100 000 Fcfa pour habiller ses quatre enfants. On y ajoute les repas et autres petits cadeaux qui monteraient à plus de 50 000 Fcfa. Rien que pour la Noël.

Ces faits illustrent à quel point les Tchadiens vivent une insécurité permanente à tous les niveaux. Cette situation confirme l’adage selon lequel, “le moyen d’être sauf, c’est de ne pas se croire en sécurité”. Aujourd’hui, chacun sait qu’il vit au jour le jour. Car beaucoup pensent que ce phénomène d’insécurité n’est pas le fait du hasard. Il serait entretenu. Sinon comment comprendre que des individus bien identifiés assassinent publiquement sans répondre de leur crime ou que des prix grimpent sans qu’aucune mesure ne soit prise pour freiner cette évolution ?

Laoro Gondjé T&C

Publié dans montchad

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article